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le meurtre, dans le crime. Il avait déjà pensé à cela de loin en loin et vaguement avant la guerre. Chose assez surprenante, il n’avait pas eu l’occasion de tuer dans ses aventures.

La guerre – celle de 40 après celle de 14 – lui avait appris des choses qu’il savait déjà, mais avec une puissance d’incision formidable ; il était donc revenu avec une insistance plus aiguë à cette idée du meurtre. Il lui faudrait bien tuer quelqu’un, un jour. Un homme ou une femme. Non, une femme c’est trop facile et puis c’est autre chose. Tuer, c’est tuer un homme. Pourquoi pas une femme ? Parce que dans ce cas serait trop grande la part sexuelle, sensuelle. Mais dans le meurtre d’un homme, il y avait aussi un assouvissement sensuel. Il savait bien que la vie du désir et la vie du courage et de la peur sont étroitement enlacées.

Constant fit de nouvelles recherches et finit par trouver le dépôt. Il était bien caché. Et pourquoi diable Susini conservait-il ce dépôt ? C’était extrêmement dangereux. Était-il si bien avec les Allemands ? Apparemment, oui, mais d’autre part ce n’était pas un homme à mettre tous ses œufs dans le même panier. S’il était tout à fait bien avec les Allemands, ne pouvait-il être en même temps bien avec les Anglais ? Ou les Russes ? S’il faisait la cour aux Allemands, ce pouvait être aussi d’accord avec les Anglais ou les Russes, uniquement pour garder ce dépôt. On voyait très bien l’utilité de ce dépôt situé en plein