Page:Drieu La Rochelle - Les Chiens de paille, 1964.djvu/17

Cette page n’a pas encore été corrigée

La route n’était pas large, encaissée entre deux murs de sapins qui pesant sur elle tantôt d’un côté tantôt de l’autre lui imposaient des perspectives sans avenir. «  Je n’aime pas le vert, mais surtout je n’aime pas ce vert-là  », mâchonnait le râtelier de Constant tandis que ses jambes variqueuses se ployaient et se déployaient sur son beau vélo de course. «  D’un autre côté, j’aime mieux cette route tout le temps abrégée que celle de tout à l’heure avec son ruban indéfini. Ce pays-là est bien fermé. Pour le moment il ne me dit rien du tout  : mais quel est le pays qui ne parle pas quand on l’interroge  ? Un homme fait mieux parler un pays qu’un homme. J’aime les forêts, mais je n’aime pas les forêts de sapins. Sauf dans les vrais pays du Nord. Mais n’es-tu pas dans un pays du Nord  ? Voire. Regarde le ciel. Les hommes, surtout quand ils sont à vélo, ne regardent pas le ciel. Le ciel est d’un gris sans nom et pourtant il écrase moins la route que ces deux murs de sapins. J’aime les pays fermés, ils ne vous trompent pas.  » Un motocycliste tout gris