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depuis dix ans a annoncé inexorablement l’événement de 1940. Je dis l’événement de 1940 et non la défaite de 1940. L’Allemagne n’a pas vaincu et la France n’a pas été vaincue en 40. Cela ne se passait pas entre la France et l’Allemagne. L’Allemagne n’est qu’un instrument comme la Russie et les États-Unis et bien moins brutal et décisif que ces deux-là. Vous pensez tout le temps au rapport de la France et de l’Allemagne, moi je n’y pense jamais, ce n’est qu’un rapport partiel et tout latéral. Je vois des Allemands en France et des Français en Allemagne. Mais avant les Allemands, il y avait trois ou quatre millions d’étrangers en France et en Allemagne, avec les Français, il y a dix millions d’étrangers. Je vois des foules immenses, monstrueusement armées, en marche par le monde pour construire des empires continentaux. Ces empires seront atrocement barbares, car l’extrême civilisation engendre la barbarie. Ce n’étaient pas les Germains qui étaient des barbares, ils ne le sont devenus qu’au contact de la Rome pervertie, cruelle et convulsive du IIIe siècle, qui elle était la grande barbare et qui a engendré Byzance, la plus effarante monstruosité qu’on ait jamais vue. La barbarie, c’est le métissage violent et brusque du futur et du passé, du trop fin et du trop fort. Les empires engendrent des religions et non des arts. Et c’est ce qui vous épouvante, vous, petits Français, fils de si grands artistes.

Constant se leva, excédé et rempli d’une profonde rancune. Pourquoi leur avoir dit tout cela, du