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elle a la chance de n’avoir qu’un ennemi, toujours le même. Mais la France a quatre ennemis et énormes. Et ils sont tous d’accord pour lui imposer chacun son alliance contre les trois autres et par là la perdre plus sûrement. Vous n’arriverez pas à vous délivrer d’une pareille coalition.

Constant se tut. La figure de Cormont parvenait à contracter de mépris ou d’angoisse ses surfaces glacées par le feu.

Une voix sèche s’éleva :

— Que proposez-vous, vous ?

Constant devint encore plus immobile qu’il n’était. Intérieurement il s’en voulait, il avait trop parlé. Et pourquoi avait-il tant parlé alors que tout cela l’intéressait si peu, qu’il croyait tout cela condamné ? Il n’avait pu s’empêcher de frémir à l’apparence de la jeunesse. Et maintenant que pouvait-il leur dire ? Ce qu’il pensait sur la situation de ce peuple était sans doute marqué par son détachement personnel. Après tout, de quel droit son mysticisme se faisait-il pessimisme ? Toutes ces pensées attisaient la colère qui était née en lui depuis quelque temps. Il répondit sur un ton bourru.

— J’ai tout dit. Aimez-vous qu’on vous rabâche ? L’homme courageux voit la difficulté et s’y enlace à jamais. N’avez-vous pas honte de me demander quoi que ce soit ? N’êtes-vous pas à l’âge où l’on fait les révolutions et où l’on tue les vieillards ? Si vous m’avez reçu ici, c’est que vous avez du temps à perdre.

— Trop facile, nota la même voix.