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et également contre les Allemands et les Anglais, par exemple ?

— Oui. En tout cas, nous ne pouvons pas nous livrer aux Allemands sous prétexte de nous prémunir contre un danger russe qui n’est qu’hypothétique.

— Qui n’est qu’hypothétique, grâce aux Allemands.

Constant éclata de rire, ce qu’il n’avait guère fait depuis le début de cette histoire. Il riait méchamment. Il se sentait devenir méchant contre tous ces hommes qui s’agitaient et qui languissaient autour de son marais. Et même contre ce Cormont, et d’autant plus contre ce Cormont qu’il ressentait d’abord pour lui quelque indulgence et commisération particulière, parce qu’il était jeune, encore un peu vierge. Mais cette virginité s’effritait à vue d’œil. Les garçons commençaient à regarder Constant de travers.

— Je doute que vous puissiez être, comme vous l’espérez, rigoureusement contre tout le monde. Et pourtant, cette rigueur est le noyau de votre espoir. Mais l’Irlande a dû toujours s’appuyer sur les ennemis de l’Angleterre…

— La manœuvre ne nous est pas défendue.

— Si, parce que vous êtes des Français. Si vous voulez refaire la France, il faut interdire aux Français toute manœuvre, car ce ne sont plus guère que de petits manœuvriers. Or, d’un autre côté, sans manœuvre vous êtes voués à un sort tragique. Vous ne m’avez pas laissé finir sur l’Irlande. L’Irlande est un mauvais exemple, car