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milieu des empires qui se sont levés dans le monde. Cormont veut que ce petit peuple connaisse, accepte d’abord sa solitude et sa petitesse et reparte de là pour redevenir grand. Pourtant, il sait que le monde n’est pas fait pour les petits peuples et que ceux-ci s’ils ne sont pas déjà absorbés ne peuvent que décider leur absorption par tel ou tel empire. Mais il veut que dans l’empire où entrera la France, parmi les empires qui se succéderont sur la France, son esprit anciennement constitué persiste comme une influence autonome, forte et nette ; et pour cela il veut lui redonner un corps, un complexe de sang et de nerfs où elle nourrisse encore et plus que jamais cet esprit. Ai-je bien compris Cormont ?

Cormont, qui regardait ses hommes avec fringale, opina de tout son masque figé où les yeux témoignaient comme dans un visage de muet.

— Cela est possible, mais fort difficile. C’est si difficile que les trois quarts et demi des Français, sous des apparences diverses et avec des alibis plus ou moins décents, y ont renoncé. On peut dire que, dans neuf cas sur dix, un Français activiste est un agent de l’étranger.

Une sorte de grondement ou de plainte parcourut le petit cercle. Les hêtres étaient beaux autour d’eux.

— Mais, s’écria Constant plus vivement, prenant les arbres à témoin, avec leurs grands airs immuables ils ne doivent pas vous tromper, les arbres. Ils sont comme vous dans le labeur et la peine.