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littérateurs, c’étaient des espèces de curés, de moines frénétiques, vains, hideux, grotesques qui au milieu des philosophes et des athlètes grecs, des aristocrates et des soldats romains continuaient à pérorer sur la suprématie du génie juif, suprématie naturellement « purement intellectuelle », tout à fait spirituelle ! Le cul botté et rebotté, ils parlaient de la supériorité de leur cul sur le pied botté.

Constant avait eu horreur de cela, de toutes les fibres de son être, et s’il avait à dix-huit ans fui Paris et rejoint les méharistes, ç’avait été pour échapper à l’ignoble promiscuité des Français qu’il sentait devenir ce que les Juifs étaient devenus. Les Juifs, avant d’être des Juifs, avaient été les Hébreux, de même que les Grecs avaient été des Hellènes avant de devenir des Grecs. Le dernier sursaut de l’Hébreu chez le Juif avait été le Macchabée, ce dernier héros de la vraie volonté de puissance d’un peuple luttant contre l’inévitable et d’ailleurs, par suite d’une circonstance fortuite, d’une distraction du sort, et du fait que les occupants possibles du moment étaient occupés ailleurs à occuper d’autres peuples, avait pu croire pour un siècle redresser le destin. Au Sahara, lui aussi, Constant avait pu croire à certaines heures qu’il échappait au destin. Mais au fond, qu’est-ce que c’est qu’un macchabée ? C’est un héros ou un cadavre. Au Sahara, Constant n’était-il pas déjà un cadavre plutôt qu’un héros ? La volonté de puissance implique épanouissement autant qu’ascèse : ne recherchait-il pas plutôt l’ascèse que l’épanouissement