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Isaïe, Daniel, Enoch, d’autres avaient clamé là-dessus des paroles étranges.

Jésus et quelques-uns de ses disciples devaient connaître quelque chose de cette pensée et pourquoi pas Jésus lui-même ?

Judas avait donc dû songer : « Un être céleste est parmi nous pour nous sauver. Selon les éternelles lois de la magie, il doit assumer notre destin pour transfigurer et rendre opérations décisives et transcendantes notre vie et notre mort, il doit lui-même les accomplir dans sa propre vie et dans sa propre mort.

« Du moment où nous serons liés à lui par la foi, par l’intimité des jours, par la communion avec sa sueur et sa salive, avec son odeur et la rognure de ses ongles et de ses cheveux, et surtout par le partage de la nourriture, par le partage du poisson et de l’huile, du pain et du vin, nous serons assurés que tout ce qu’il fera dans la vie et dans la mort sera notre propre action, ce sera notre propre voie de salut. Avec lui, comme le font Athys, Adonis, Dionysos, Mithra, Osiris et tant d’autres, il nous fera passer théoriquement par les chemins étroits et terribles et merveilleux du supplice et du sacrifice, de la mort et de la résurrection. Pour que nous soyons assurés de trouver dans la mort une renaissance, de resurgir après notre propre trépas en nos corps glorieux, immortels, il faut qu’il ressuscite. Mais pour qu’il ressuscite, il faut que d’abord il meure. »

Sur un plan bien supérieur à celui qu’il avait imaginé d’abord pour Judas, Constant le retrouvait