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les choses dans un plan intellectuel, donc dans un plan d’hypocrisie. Bah, pourquoi pas ? Il en avait fait bien d’autres dans sa vie de chien. Les scrupules n’étaient pas son fait et il en était encore à chercher quelqu’un qui méritât des égards. Aucun de ces intrigants dans le pays du Marais n’en imposait. Au contraire, n’exerçaient-ils pas tous sur lui une pression féroce ? Ils étaient jaloux de sa défense intérieure, ils voulaient la forcer. Ces malignes intentions qui avaient d’abord suscité son ironie éveillaient maintenant sa colère. Ils ne savaient pas à qui ils se frottaient. Le rêveur religieux n’était pas un doux ludion.

Il alla chez les Liassov, vers le soir. Ils avaient encore du thé. Liassov ne fumait pas, mais Roxane grillait quelques cigarettes. Elle était bien belle, trop belle pour ce coin perdu, mais pour Constant c’était une joie de l’époque de voir quelle dispersion et quel gâchis elle faisait de tout ce qui aurait pu encore faire une assez brillante société. Finie la société, elle a fait son temps. Des abîmes de silence.

Il était difficile de parler de Cormont devant Wladimir. Connaissait-il seulement le nouveau caprice de sa femme et de sa fidèle admiratrice ? Elle devait lui confier tout à demi-mot. Constant souhaitait savoir comment Roxane ressentait la politique de Cormont. S’en souciait-elle seulement ? Bien sûr, il avait bien vu chez Susini comme elle était éveillée sur toute chose. Elle portait bien plus d’intérêt à la politique que Liassov. Mais celui-ci n’y était pas indifférent à ses