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Mais Jésus ne veut pas soulever le peuple, il n’en a aucune idée et le peuple a peur. Alors l’affaire est fichue et elle menace de tourner très mal. Car les prêtres songent à se débarrasser de Jésus, croyant qu’il veut non pas soulever le peuple contre les Romains, ce dont l’innocent est bien incapable, mais détourner le peuple du clergé. C’est effectivement ce que Jésus compte faire, mais par la seule douceur, ce qui ne le rend pas bien dangereux. Il y a plus de chance pour qu’on voie le clergé réussir à se débarrasser de Jésus que les quelques-uns autour de Jésus qui comme lui, Judas, ont l’idée qu’il faudrait soulever le peuple, réussir à se débarrasser du clergé.

Alors, puisque l’affaire est fichue, aussi bien en finir tout de suite. Judas en veut à Jésus, il en veut aux camarades de toute cette illusion dans laquelle ils traînent et dont il faut sortir, et qui en attendant tourne au mensonge ennuyeux, épuisant. Après tout, le clergé a raison, chez ceux-ci du moins, on a le sens du possible. Si la révolte est impossible, les conservateurs ont bien raison, ils sont justifiés.

Mais eux aussi perdent du temps, n’ont pas l’air de savoir s’y prendre. Ah, on est entouré de tous côtés par l’incapacité et l’inertie. Il faut que je les en sorte et que je m’en sorte. Je vais aller trouver ces imbéciles et leur faire comprendre que nous autres sommes encore plus imbéciles qu’eux.