Page:Drieu La Rochelle - Les Chiens de paille, 1964.djvu/138

Cette page n’a pas encore été corrigée

guère à ses propos, sauf à ceux que saint Jean met dans sa bouche et qui ont de l’envolée. Toutefois, il admettait qu’au fond Jésus ne croit pas qu’il y ait des hommes mauvais et des hommes bons, puisqu’il affirme que les hommes bons, ou pharisiens, sont pour la plupart pleins de sournoise malice et que les hommes mauvais peuvent devenir bons en un clin d’œil et alors bien meilleurs que les hommes bons. Il n’y a d’exquise qualité humaine que dans le bien qui apparaît dans le mal ; cette qualité exquise, Jésus la recherchait chez les pécheurs repentants et transfigurés. Somme toute, Jésus ne se promenait sur la terre que pour déceler et goûter cette qualité. Mais alors n’était-elle pas dans un Judas comme dans une Madeleine ?

Judas est fort maltraité par les romanciers des Évangiles. Il est vrai que saint Pierre n’est guère bien traité non plus et il n’apparaît guère que pour dire des bourdes ou lâcher de vilains gestes. Judas est-il un personnage si sordide qu’il en a l’air ? C’est entendu, c’est le caissier, il a un sale métier. Peut-être a-t-il choisi ce métier par humilité ou par bonne volonté parce que personne n’en voulait, ces Galiléens qui accompagnaient Jésus ne sont pas tout à fait des Juifs ! Judas, à part cela, n’a aucun caractère spécialement mauvais, il s’appelle Judas comme tout le monde, Judas est un nom aussi courant dans ces parages que François par ici. Il ne dit pas des bourdes comme Pierre, il ne dit rien. C’est un personnage secondaire et même quand il agit de façon décisive on le maintient dans son rang