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— Écoutez, ne divaguez pas tout le temps, ragea Préault qui se sentait plus dédaigné que méprisé, plus moqué que haï.

Tout d’un coup Constant changea :

— Excusez les manières d’un vieux fou, je vous ai dit que j’étais fatigué. Je suis un vieux colonial qui en a vu de toutes les couleurs. Je ne songe qu’à prendre ma retraite. Mais, comme vous dites, trêve de plaisanteries. Je ne suis pas si bête, j’aurai l’œil sur Cormont.

Il dit cela d’un ton ferme et même tranchant. Et il continua à parler assez longtemps dans ce sens pour que Préault pût s’en aller assez content.

Il n’était pas sûr que Jésus eût existé en tant qu’homme. Peut-être était-ce un dieu qui n’était même jamais « descendu sur la terre ». Judas non plus n’avait peut-être jamais existé, bien qu’il y eût plus de chance qu’il eût existé que Jésus.

Mais en tout cas il y avait quatre petits romans, d’un tirage énorme, où un des personnages s’appelait Judas. Là Judas avait une vie aussi solide que celle de Monte-Cristo ou de Tom Jones. De sorte que Constant pensait souvent à Judas.

Constant savait qu’il n’y a ni bien ni mal et qu’il ne peut y avoir d’hommes mauvais opposés à des hommes bons. Il connaissait la bonté des hommes mauvais et la méchanceté des hommes bons. Jésus parle tout le temps du bien et du mal, c’était pour cela que Constant ne s’intéressait