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aux Allemands et aux Anglais et les catholiques aux Espagnols.

Préault et Bardy demeuraient rêveurs un instant. Préault se ressaisissait le premier.

— Je ne suis plus démocrate, je cherche uniquement dans l’Angleterre un appui momentané…

— Cela dure depuis 1902, s’écriait Bardy.

— … je ne suis pas totalitaire non plus, et j’ai plus de jeu avec l’Angleterre ou avec l’Amérique qu’avec l’Allemagne.

— Avec eux et toute leur séquelle, vous avez la marge de mourir doucement, sans vous en apercevoir, râlait Bardy.

— Croyez-vous vraiment, intercalait Constant, que l’Allemagne veuille sauver la France ?

— Oui, répétait Préault, le croyez-vous vraiment ?

Bardy prenait un air triste et obstiné :

— Je l’ai cru. Mais pour que l’Allemagne sauvât la France, il aurait fallu que la France voulût se sauver. Elle ne l’a pas voulu. Après trois ans il est prouvé que la France ne veut plus se sauver.

— Selon vos abominables théories, mais non selon les nôtres.

Bardy jouait de son air triste, maintenant tout à fait pathétique :

— Vous êtes un activiste, Préault, comme moi ; vous vous êtes heurté comme moi à l’inertie des Français. Croyez-vous qu’ils se redresseront aisément quand les Anglais et les Américains seront là ?