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mon esprit soit au-delà de l’histoire, je ressens prophétiquement dans mes nerfs les violences de l’histoire.

— Pour en revenir à ce que je vous disais, reprit Bardy, ne pouvant plus m’appuyer sur les Anglais, j’ai essayé de m’appuyer sur les Allemands.

— Pauvres Français, qui doivent s’appuyer sur quelqu’un à tout prix. Les Anglais, eux-mêmes, s’appuient sur les Américains et, ce qui est pis, sur les Russes. Quand on faiblit, l’ami est pire que l’ennemi. Mais vous dites : « J’ai essayé de m’appuyer sur les Allemands. » Vous vous appuyez en plein sur eux !

— Je me suis aperçu depuis deux ans que les Allemands sont très faibles eux-mêmes. L’hitlérisme n’a été que le sursaut de quelques-uns d’entre eux, qu’ils ont pu imposer à la masse parce que celle-ci était aux abois. Les Allemands n’étaient pas assez jeunes pour se jeter dans le communisme et y faire peau neuve. Au fond, l’hitlérisme, en dépit de son côté héroïque, n’a été pour eux que le juste milieu entre le capitalisme et le communisme, entre le nationalisme et l’internationalisme. Mais ils se sont avérés incapables de faire vraiment l’Europe socialiste, ce qui aurait été leur justification.

— Alors ?

— Alors, soupira amèrement Bardy, je ne crois pas plus aujourd’hui au national-socialisme qu’à la démocratie. Je crois que le national-socialisme qui a essayé de se dégager de la démocratie s’y résorbera et que tout cela pêle-mêle sera