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— Personne ne les connaît et personne ne s’intéresse à eux.

— Au fond, les germanophiles sont des gens qui ont pitié des Allemands, de leur isolement. Il n’en a pas toujours été ainsi. Au siècle dernier les Allemands étaient dans l’intimité de beaucoup de nations… mais au fond, les Allemands n’ont communiqué avec le monde que par la philosophie et la musique, on ne leur pardonne pas les heures trop profondes qu’on a passées avec leurs grands esprits. Bah, tout cela c’est le passé… Ils ont joué un rôle formidable dans le développement des sciences. C’est eux aussi qui ont fait l’histoire…

— L’histoire…

— Oui, ça n’intéresse plus personne, assura Constant. Les hommes prennent en horreur l’histoire dont ils ont abusé. L’époque des lumières est bien finie, c’était l’époque de l’histoire. Les hommes ont besoin d’oublier…

— Bardy, vous êtes nationaliste ? demanda Constant un autre jour.

— Je l’ai été éperdument. Je vois ce que vous voulez me demander. Comment un nationaliste comme moi peut accepter si aisément la présence des Allemands ?

Il pourrait y avoir là en effet une dérision. Entre 1920 et 1935, j’ai montré une horreur et une fureur farouches à l’égard de tout internationalisme. Mais, depuis longtemps, je sentais la France tomber en faiblesse. Après 1934-1936, j’ai senti le besoin désespéré, urgent, d’