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avec celle d’une femme est impossible sans passer tôt ou tard par une période d’intimité charnelle. Rien d’autre n’aurait pu nourrir entre eux cette communion mystérieuse où accédait Roxane – au fond inapte comme toutes les femmes à l’intellectualité – grâce encore aux signes sensuels inscrits dans l’art de Wladimir. La nature sensible d’une femme peut trouver son ultime épanouissement et son couronnement dans la nature intellectuelle d’un homme auprès de qui elle vit : par ses chemins sensuels la femme peut rejoindre le plus haut spirituel. Cela est admirable, quand il n’y a pas chez la femme de prétention, d’imitation, de singerie verbale et que l’homme y veille. Une grande distinction, c’est-à-dire une grande simplicité, mettait à l’abri Wladimir et Roxane de tout ce fatras, de tout ce plâtras de malentendus bavards qui recouvre souvent et déshonore les ménages d’artistes. C’est pourquoi Constant, qui avait souvent passé pour un misogyne, se trouvait à l’aise chez eux et montrait à Roxane une bienveillance qu’il n’avait jamais pu montrer auparavant qu’à des filles sauvages.

Bardy entrait dans ce jeu délicat et bien qu’il fût assez instruit et qu’il eût une ferme personnalité dans un certain plan, il avait accepté de ne donner à Roxane que ce qu’elle voulait et pouvait lui prendre. Il avait une grande vénération pour Wladimir Liassov, et il pensait que pour la conserver le mieux était de l’exercer à distance. Aucun de ces êtres ne croyait à la pureté.