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elles impliquaient et qui avait encore laissé d’amples indications de majesté assaillir et dégrossir la masse des épaules, n’avait pas poussé plus loin et soit que la proposition brute du bloc de marbre fût telle, soit que d’un seul coup de ciseau il eût aboli toute possibilité, on s’arrêtait court sur une poitrine d’éphèbe après s’être longuement attardé autour des ampleurs fières d’un visage de Junon qui semblait pourtant annoncer les ressources d’une ample féminité. Junon qui, d’ailleurs, n’était pas que marbre mais qui était travaillée dans chacun de ses traits par un dédoublement inespéré, par la contorsion imperceptiblement affleurante – outre les limites d’un cerne, d’un galbe impeccable – d’une autre déesse non pas grecque mais thrace ou thessalienne, qui faisait vibrer, onduler, entrer en tumescence par moments, un rêve passionné, sauvage, tirant ses fureurs d’une foi démoniaque.

Constant goûtait ainsi chez les Liassov une parfaite fusion d’atmosphère ascétique et d’atmosphère sensuelle : cela caressait en lui le sens qu’il avait de la religion. Il avait horreur de l’opposition qu’on fait du christianisme au paganisme : il ne s’intéressait qu’à ce qui y subsistait ou s’y réveillait de païen. Il traitait à sa manière les mythes chrétiens. C’est pourquoi, bien qu’il lût beaucoup plus les écrits indiens ou chinois ou arabes que les chrétiens, il lui arrivait de remettre parfois son nez dans les Évangiles. Il lisait les Évangiles tantôt au milieu d’un assez grand appareil de science et d’exégèse, tantôt tout