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nordique qui n’a aucun sens du péché, qui n’a pas besoin de rédemption ni de dieu rédempteur : c’est le monde des Védas et de l’Edda, c’est le monde des premiers aryens de l’Inde et de la Perse, des premiers Germains et Scandinaves, des premiers Celtes et Italiotes. Avant de descendre vers le sud, les Aryens n’avaient pas le sens du péché.

— C’est possible, bien que… mais en tout cas les Nordiques par les religions de mystères et le christianisme ont plongé à jamais dans l’esprit méditerranéen : ils n’en sortiront jamais.

— Bah, hitlériens et staliniens naissent maintenant aussi ignorants du péché que…

— Que quoi ? Que qui ?

— Que les dieux. Nietzsche triomphe en eux.

Pour Constant, aimer les peintres et la peinture, c’était tout comme. Ah, comme il aurait aimé être peintre ; oui, c’eût été la meilleure façon d’accepter l’éphémère et de sacrer l’éphémère. Par cet art, en jouissant de la matière on la détruit mieux que par tout autre art, parce que sournoisement on a l’air de s’y asservir mieux. Peindre lui aurait donné de plus longues satisfactions que de calligraphier comme il le faisait les pensées des sages, et aussi plus profondes. Ses calligrammes ne le portaient pas assez avant dans la délicatesse qui capte l’infini dans un trait, dans l’héroïsme de l’artisan qui essaie d’incruster l’éternel dans le quotidien. Constant aimait cet atelier de Liassov où l’apparent désordre était l’effet des besoins du travail et la nonchalante marque d’un goût exquis.