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Constant revint chez les Liassov et cette fois-ci il y vit Roxane. Auprès de son mari elle était rayonnante comme elle ne l’était pas entre Susini et Bardy. Le spirituel et le charnel glissent l’un dans l’autre par des nuances insensibles ; si à l’extrémité de la longue trame de ses sensations Roxane échappait à son compagnon, de nuance en nuance elle remontait à lui par les fils de plus en plus entrecroisés et serrés de l’ennui et du regret. Qu’importaient à Liassov, qui était à l’origine de la trame, les effilochures de la frange ? Constant ne voyait aucune contradiction entre la scène dont il avait été témoin dans la dune et celle qu’il contemplait maintenant d’une femme calmement assise et qui buvait l’esprit d’un homme avec de grands yeux habitués depuis des années à cette lente et sûre désaltération.

Constant regardait Roxane avec un regard profondément calme. Parce qu’il y avait en elle une beauté tourmentée et émouvante, il n’aurait peut-être pas pu la regarder aussi calmement s’il ne l’avait pas connue tout de suite dans son intimité