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quelques mots du cru tels que « té » et « qués acco » s’étaient glissés à son insu.

— Je parie tout ce qu’on voudra que c’est un Marseillais, avait dit Zahner.

Délibérément il était allé à lui, la main tendue, parlant un français auquel, par flatterie, il avait cru devoir donner certain accent méridional.

Il ne s’était pas trompé ; un bon rire s’était épanoui sur la physionomie de l’inconnu, et de suite reprenant la langue et l’accent maternels, il s’était présenté.

Il se nommait Quinel. Il était venu quelque vingt ans auparavant fonder en Grèce une huilerie qui avait été rapidement florissante. Sa fabrique était située dans les bois d’oliviers qui bordent le Céphise et que traverse l’Ilisus. De loin il montra la haute cheminée.

Et l’ébahissement du brave homme fut extrême, lorsqu’en quelques mots Zahner l’eut mis au courant de leur odyssée. Mais ses yeux s’agrandirent lorsque l’officier, précisant et présentant ses compagnons, donna leurs noms.

A son tour il prit les mains des voyageurs avec effusion, les pressant de questions.

Comment ! ils étaient ces deux officiers dont on avait tant parlé à Paris pendant quelques semaines, et qui avaient refusé de s’évader de l’île de Périm pour ne pas manquer à leur parole d’honneur ?…

Quelle émotion avait produite en France le récit qu’avait rapporté de leur captivité un officier de marine… et quelle réception ils allaient recevoir à leur retour à Paris !

— Alors, vous croyez que nous ne sommes pas oubliés la-bas ? demanda Zahner dont le cœur se gonflait, et qui essayait de rire pour dissimuler son émotion…

— Oubliés ! mais vous y êtes plus connus que le premier de nos hommes politiques, s’exclama le Marseillais, et vous verrez, vous verrez cet accueil quand on saura que vous êtes en route pour revenir.

— Mais ce n’est pas tout ça ; comment comptez-vous revenir ?

— Mais, par mer ; je crois que c’est le plus court.

— Vous avez mille fois raison ; d’ailleurs aujourd’hui les chemins de fer sont détraqués un peu partout, et puis, voyez-vous, poursuivit-il, laissant passer le bout de l’oreille,