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brûlée montrait à sa base l’étroite ouverture par laquelle le gardien, chargé de signaler les incendies si fréquents à Stamboul, s’introduisait dans son observatoire.

Il se dirigeait de ce côté lorsqu’il s’entendit appeler.

– De Melval ! de Melval !

Le capitaine se retourna.

Debout sur le quai, Omar lui faisait signe de la main.

— Mata, dit l’officier, tu vois la grande tour ; la porte est ouverte, entre, vois s’il n’y a personne et attends-moi là ; je vais aller t’y retrouver.

Le nègre inclina la tête.

En abordant le jeune prince, de Melval fut frappé de l’altération de ses traits.

— Qu’as-tu donc ? demanda-t-il.

En quelques mots rapides, Omar le mit au courant ; avec la réserve qu’éprouvent les Arabes pour tout ce qui touche à la femme, à leurs épouses comme à leurs mères, il n’avait jamais fait part à son ami de ses inquiétudes concernant la sultane Hézia mais à cette heure le péril était imminent, il ne savait plus à quelle branche de salut se raccrocher, il le mit au courant des intentions de son père.

— Tu l’as supplié ? demanda l’officier.

— Hier, pendant une heure, tout à l’heure encore ; il a été inexorable… il dit que son sort est écrit là-haut… qu’il a juré sur le Coran de ne jamais pardonner… or, le serment sur le Coran…

— Oui, je sais, il ne peut se parjurer… alors…

— Alors elle va mourir, dit Omar.

Et de Melval vit une larme briller au bout des cils du jeune prince.

C’était la première ; jamais il n’avait vu sur cette figure de bronze l’ombre d’une émotion ; ce masque superbe cachait bien l’âme énergique dont le reflet l’éclairait.

Et il fallait que l’angoisse fût bien vive pour qu’elle se trahît par une larme.

De Melval fut remué.

— Omar, dit-il lui prenant la main et la serrant avec force, Omar, tu souffres, dispose de moi : que puis-je faire ?

Le jeune prince ne répondit pas ; les yeux sur la haute muraille du sérail maintenant toute proche, il laissait s’échapper des mots sans suite, des phrases entrecoupées.