jours au moins ; je ne veux pas mourir de faim en Europe comme jadis dans le Sahara.
— Espérons que nous n’aurons pas huit jours à errer sur la mer de Marmara à la recherche d’un navire.
— J’y compte bien ; j’ajoute que notre nouvelle garde-robe est assez complète pour nous affubler dans des costumes européens ; j’en ai un surtout pour Hilarion qui le transformera sérieusement. Tu verras cela.
— Brave Hilarion !… il est littéralement fou de joie… tiens, regarde-le !…
C’était le moment où le tirailleur exécutait le bond remarquable qui l’amenait à quai.
Et comme la barque se rangeait pour aborder, de Melval prit le bras de son ami.
— Et pour elle, dit-il, il faudrait bien aussi un déguisement…
— Bah ! une femme ! à la rigueur elle pourrait s’en passer mais sois tranquille, en exécutant ma réquisition, il m’a semblé empiler dans mon ballot quelques effets de l’autre sexe et nous y trouverons bien quelque robe noire de vieille anglaise ou quelque jupon clair de jeune miss… Je te le répète, j’ai songé à tout cela. Laisse-moi seulement m’occuper de nos bagages, car ici nous n’avons à compter que sur nous-mêmes.
— Nos bagages, dit de Melval, cela me donne un avant-goût de chemin de fer… Ah ! le beau jour !
— La belle nuit, veux-tu dire, car voilà le soleil qui se couche, et si nous ne pouvons voir le Sultan aujourd’hui, c’est un retard de vingt-quatre heures.
— Le retard m’a l’air certain, car le Sultan semble s’éloigner de suite du côté de ce grand bâtiment, le seul que l’incendie ait respecté.
— C’est le Grand Sérail, dit Zahner, je l’ai entendu nommer tout à l’heure par ce long échalas qui s’intitule le chef des eunuques et qui suit le Sultan comme son ombre.
— Le Grand Sérail ! alors le premier soin de ce prophète qui devrait être détaché des plaisirs de cette nature, est de mettre la main sur le harem de son prédécesseur.
— Ça m’en a tout l’air et il parait même joliment pressé de refaire connaissance avec les odalisques qu’il y entretenait, dit de Melval ; quant à moi, je vais chercher un endroit