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Et en effet ledit drôle y avait réussi, au grand détriment de son individu. Mais Zahner se disait maintenant :

— Si c’était vrai, pourtant !

Il chercha de Melval, le trouva errant, la figure défaite, le regard absent, à quelque distance du camp, lui raconta ses craintes, et tous deux coururent aussitôt à la tente d’Omar.

Était-ce possible ?

Et une tristesse affreuse les étreignit quand ils reçurent de sa bouche la confirmation de la funèbre nouvelle.

Zahner voulait douter encore.

— Non ! s’écria-t-il, c’est une invention de ce misérable traitre pour se ménager un bon accueil auprès de ses nouveaux maîtres !

Mais Omar donna des détails : la bataille avait eu lieu la nuit, les Français avaient été immobilisés, les feux n’avaient pas produit leur effet ordinaire… le corps à corps avait eu lieu de suite.

— Alors, les zouaves ?

— Anéantis !

— Et les chasseurs d’Afrique ?

— Disparus !

— Et comme nos tirailleurs ont passé à l’ennemi, c’en est fait de l’armée d’Afrique ! dit Zahner ; est-ce possible ?…

Et tous d’eux s’éloignèrent silencieux au milieu des ruines.

Pour la première fois ils sentaient lourdement le poids de la chaîne qui les rivait derrière le Sultan.

Depuis dix mois déjà ils étaient séparés du reste du monde civilisé ; épargnés par de cruels ennemis à la suite d’une intervention presque miraculeuse, ils avaient d’abord, avec l’insouciance de leur âge, pris leur parti d’une situation en somme très supportable et donné libre cours à leur goût pour les aventures.

Mais ce coup inattendu les écrasa, et la même pensée leur vint à tous deux.

Pendant qu’on se battait et qu’on mourait là-bas ils suivaient tranquillement l’escorte de leur vainqueur.

Et ils allaient continuer à assister impuissants à toutes ces choses ?

Si une pareille défaite avait pu être infligée aux troupes françaises d’Afrique, si braves, si disciplinées, si bien orga-