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des reconnaissances au loin, je te préviendrai des dangers qui te menaceront ; les batailles se dérouleront à mes pieds, et, grâce à des signaux dont nous conviendrons ou encore à l’aide d’un fil que j’ai apporté avec moi, je pourrai te donner de précieuses indications sur les mouvements exécutés et les dispositions à prendre. Quel est celui de tes lieutenants dont tu pourras attendre de pareils services ?

— J’y consens, dit enfin le Sultan après quelques minutes d’entretien à voix basse avec son fils ; jusqu’à Constantinople donc, va, précède-moi, renseigne-moi, et inspire-moi confiance ; tu es musulman, tu peux exercer un commandement : tu l’auras si la confiance est venue.

Saladin s’inclina : l’audience était terminée. Accompagné des deux Soudanais qui l’avaient amené, il regagna l’aérostat pour procéder aux opérations d’ancrage et d’atterrissage du ballon.

Mais Zahner le guettait, et, quand il fut passé :

— Cette fois-ci, dit-il au capitaine qui pendant quelques instants était resté dans sa tente auprès de Nedjma très anxieuse, je suis sûr de mon fait le bonhomme que je viens de voir n’est autre que mon usurier de Batna. C’est renversant, mais c’est comme ça !

— Un usurier ?

— Oui, un ancien interprète militaire qui, obligé de donner sa démission à la suite de démêlés avec des officiers des bureaux arabes et d’histoires que je n’ai jamais bien connues, se vengeait comme il pouvait en rachetant aux Gobsesks juifs des billets que nous avions la faiblesse de leur signer.

— Un joli personnage !

— N’est-ce pas ? Pour mon compte je me rappelle avoir eu pour une dette de 150 francs et grâce à lui, plus de 600 francs de frais. Il est vrai que nous lui avons fait payer cela : nous l’avons attendu un soir dans une rue déserte, et il a reçu de nos ordonnances une volée de coups de matraque dont il n’a pas dû se vanter souvent. Vieux scélérat ! si je puis lui dire son fait tout à l’heure, il n’y coupera pas… à moins pourtant, fit-il en se ravisant, qu’il ne vienne ici pour nous rapatrier… auquel cas je m’empresserais de me museler…