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adoration, qu’il avait eu l’envie folle de la prendre et de l’emporter au plus épais des bois.

Mais, comme le soir de l’enlèvement, toujours une voix l’avait arrêté à temps.

C’est qu’au fond de lui, l’espoir subsistait toujours vivant de revoir Christiane. Les mois succédaient aux mois ; les préparatifs, les marches se suivaient, allongeaient son absence, lui mettant au cœur le doute aigu : « Elle m’a oublié. » Et toujours pourtant il s’était repris à espérer :

Le Sultan ne pouvait-il, par exemple, le délier de sa parole plus tôt qu’il ne l’espérait ?

Quand le désir chez lui devenait impérieux au point de lui faire craindre un moment d’oubli, alors il s’égarait, la nuit venue, dans l’innombrable convoi qui suivait la « Garde noire » ; il allait au bord des rivières, autour des fontaines où venaient puiser l’eau les milliers de femmes qui préparaient chaque soir la nourriture des guerriers ; il en distinguait une, l’abordait… et lui laissait le souvenir d’un jeune chef inconnu qu’elle ne reverrait jamais.

Dans cet immense exode de peuplades innombrables, les liens qui en temps ordinaire unissaient à l’homme les femmes qu’il avait achetées ou choisies s’étaient considérablement relâchés.

À quelques exceptions près, les femmes, sauf celles des chefs, étaient des servantes qui suivraient autant qu’elles pourraient, et qui s’arrêteraient lorsqu’elles en auraient assez.

Presque toutes avaient renoncé à l’usage de voiler leur figure, usage qui d’ailleurs était loin d’être général, puisque chez les Touaregs, par exemple, c’est l’homme qui se couvre du « litham » alors que la femme marche visage découvert.

C’est parmi ce bétail humain que Zahner, lui aussi, mais avec beaucoup moins de discrétion, faisait ses conquêtes presque quotidiennes.

Pendant les premiers temps, il s’était montré réservé, craignant surtout « une vilaine histoire », se souvenant de vengeances terribles exercées en Algérie par des Arabes trompés ; mais il avait vu des tribus entières de femmes, abandonnées dans le Pays des Rivières ou sur les rives de