Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À Kotonou, où il arriva une demi-heure après, il trouva, comme à Abomey, la dévastation complète : depuis le palais du gouverneur jusqu’au wharf de débarquement, tout avait été détruit, comme si les Dahoméens eussent voulu faire disparaître toute trace de leurs vainqueurs d’autrefois.

Saladin vira de bord, ne sachant plus ni à quel saint se vouer, ni quelle direction prendre.

Vers l’Ouest était Togo, la colonie allemande, et, plus loin, la colonie anglaise de la Côte-d’Or, formant enclave dans les possessions françaises ; mais qu’irait-il faire de ce côté ?

Il tourna vers l’Est, longea la côte, et, de loin, aperçut au bord des lagunes un épais rideau de flammes et de fumée.

C’était Lagos, ville anglaise du golfe du Bénin.

Quand il y arriva elle achevait de brûler.

Chose étrange, on ne voyait personne dans les rues que dominaient des pans calcinés ; quand l’incendie eut achevé son œuvre, Saladin descendit 100 mètres du sol.

Quelques nègres qui portaient des torches, à la recherche, sans doute, des maisons épargnées par les flammes, s’enfuirent à son apparition.

Sur le seuil des maisons gisaient quelques cadavres : des chiens errants aboyaient ; dans le havre au fond duquel était bâtie la ville et qui lui servait de port, on ne voyait plus une barque.

Saladin comprit que cette ville ouverte, terrorisée par les nouvelles de l’intérieur, n’avait pas attendu l’arrivée des Noirs ; ses habitants avaient fui sur les vaisseaux anglais, et les vainqueurs, dans leur hâte de repartir vers le Nord, n’y avaient laissé, le pillage terminé, que quelques incendiaires chargés d’achever leur besogne.

Tout d’un coup il poussa un cri de la faible hauteur où il était, il venait de distinguer des isolateurs en porcelaine au sommet d’une maison.

— Le télégraphe !

Depuis qu’il était seul, il avait pris l’habitude de se parler haut à lui-même.

— Le télégraphe ! sans doute le câble sous-marin… La maison est encore debout !… Qui sait !…

Il descendit résolument : une occasion s’offrait à lui d’avoir