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tion du cheik ; c’était un petit homme bedonnant, très amoureux de son ventre, et qui passait toute sa journée sur la nacelle à grignoter pour compenser, disait-il, les privations du dernier ramadan.

À toutes les questions que lui posait Saladin, il répondait invariablement : Inch Allah et se remettait à manger.

L’interprète tournait donc en cercle dans cette vaste région peu connue encore de nos jours, et qui constitue l’un des plateaux les plus importants de l’Afrique centrale, puisqu’il envoie des affluents vers le Niger, le Tchad et le Congo pays de bois immenses et de marais impénétrables entourant un massif montagneux aux ramifications enchevêtrées.

Il erra fiévreusement, entassant les kilomètres sur les kilomètres, et il serait trop long de le suivre dans les pérégrinations qui, pendant les sept semaines que dura son erreur, le maintinrent dans l’idée fixe de trouver Atougha.

Partout il rencontrait des colonnes en marche.

Il chercha alors à se renseigner en observant leur direction.

Mais souvent elles divergeaient, suivant qu’elles appartenaient aux armées du Nord ou à l’armée principale.

L’une d’elles le conduisit à Yola, capitale de l’Adamaoua.

Là, il trouva la Bénoué, cette importante rivière qu’avait suivie Mizon dans ce voyage fameux où cet officier avait compté, par sa jonction avec de Brazza, couper l’hinterland du Cameroun, voyage que les diplomates devaient rendre infécond puisque l’Allemagne n’en atteignit pas moins le Tchad quelques années plus tard.

L’interprète descendit la Bénoué, plus indécis que jamais, ne sachant plus à quel parti s’arrêter et se demandant maintenant s’il ne ferait pas mieux de renoncer à des recherches désormais sans objet.

Rien ne l’empêchait, en effet, du moins il le pensait, de rentrer en France, d’y créer la légende qu’il avait fabriquée de toutes pièces d’un massacre auquel il eût échappé seul, et d’y jouir de la fortune que le hasard avait si curieusement fait tomber dans sa main.

D’ailleurs, les Touaregs, ses compagnons de voyage, semblaient en avoir assez de ces courses à tire-d’aile dans ce