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en couvrait la surface, que des cris bizarres se tirent entendre, et, du milieu des cotonniers, des arbres à beurre, des « parkias » aux gousses nourrissantes, s’enfuirent en tous sens des singes cynocéphales, et s’envolèrent des ibis et des pélicans ; un éléphant, la trompe menaçante, apparut sous les branches d’un vieux sycomore et un lion, couché aux pieds d’une vaste fourmilière de termites, poussa un rugissement qui fit plonger dans le lac une bande d’hippopotames.

Saladin comprit pourquoi les Noirs de cette région, dont les traditions ont conservé le souvenir d’un Eden analogue à notre Paradis terrestre, l’ont placé sur les bords du Tchad : tous les animaux de la création y pullulent.

La nuit se passa sans encombre, malgré le voisinage de ces hôtes dangereux ; mis en garde par les Touaregs, qui connaissaient les périls du grand lac situé à l’extrémité méridionale de leur zone de parcours, Saladin s’était retiré dans sa cabine pour éviter les piqûres des milliers d’insectes que fait naitre le dessèchement annuel du quart de la surface du Tzadé.

La mouche tsé-tsé surtout y foisonne, et les voyageurs qui ont traversé les contrées d’Afrique où on la rencontre, aussi bien dans les environs du Tchad, comme Barth, Nachtigal, Vogel, Rolfs et Monteil, que les grands lacs du Sud-Est, comme Livingstone, Speeke, Stanley, Trivier et Guiraut, savent que sa piqûre est mortelle aux animaux, et que, par le seul fait de sa présence le long des rivières, on n’y peut voyager à cheval.

Elle est tellement redoutée que Schweinfurth rencontra, dans le Bahr-el-Gazal, de vastes espaces, cependant fertiles, désertés par les populations dont elle tuait les troupeaux. L’ancre du ballon avait mordu sur un nid de termites c’était une de ces constructions gigantesques, appelées « Ngotkoum » par les indigènes, et dont les masses pyramidales ressemblent à des cases de nègres ; Barth raconte qu’il en a rencontré, dans le Bornou, atteignant 12 mètres de haut et 60 mètres de circonférence. Leur solidité, à l’instar du ciment romain, défie l’action du soleil, les crues et les orages tropicaux aussi les indigènes, émerveillés, appel-