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Au milieu des zébrures du granit, de petites pierres de forme octaédrique routèrent entre ses doigts et Saladin ayant écrasé l’une d’elles, des étincelles d’un rouge carminé jaillirent dans tous tes sens.

Les yeux du misérable brillèrent de convoitise.

— Topazes et rubis, dit-il après quelques autres tentatives de même nature, c’est bien cela ; à défaut d’autre chose, voilà ma fortune faite.

Il appela les deux Berbères, et, sans leur faire connaître la valeur de sa trouvaille, il leur expliqua qu’il était nécessaire pour équilibrer le ballon d’emporter une grande quantité de ce granit.

La nuit était complètement venue lorsque la dernière charge fut hissée sur la nacelle.

Avant de se reposer après cette journée fertile en émotions, Saladin couva des yeux cette fortune inattendue ; certainement, sur les 250 kilogrammes qu’il venait d’emporter, étaient enfouis plusieurs millions de francs car un rubis oriental de dix carats vaut le triple d’un diamant parfait de même poids.

Décidément, il était né sous une heureuse étoile ! tout lui réussissait ce jour-là.

En admettant qu’il ne pût retrouver le Sultan, il pouvait toujours revenir en Europe et s’y donner comme le dernier survivant de l’expédition ; il pourrait raconter ce qu’il voudrait : une surprise du ballon, la nuit, ses compagnons massacrés sous ses yeux dans le Sahara, lui seul parvenant à s’enfuir et à sauver l’aérostat.

Aucun de ceux qui s’étaient embarqués avec lui ne viendrait le contredire.

Et alors, c’était la fortune, le luxe, le bonheur assuré !

Le bonheur ! Ce seul mot évoqua dans son esprit l’image de celle dont ce bonheur dépendrait avant tout.

il revit Christiane, mais il la revit l’œil menaçant, le geste hautain, lui montrant la porte ; il repassa par les moindres détails de cette scène qui l’avait rendu fou de douleur et qui avait fait de lui un criminel et un traître.

Pouvait-il rentrer dans la société civilisée, oublier tout cela, l’oublier, elle !

Non ! ce n’était pas seulement la fortune qu’il fallait