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sur cet aérostat qui était son œuvre, que quatre jours après son corps déchiqueté deviendrait la proie des gypaètes et des vautours.

Le Tzar était remonté dans les profondeurs de l’atmosphère, à l’ébahissement des Touaregs.

Vous voyez, leur dit Saladin, que vos frères refusent de nous accueillir ; nous n’avons plus rien à faire ici, car ils nous prennent pour des infidèles.

Dès lors les deux Berbères se bornèrent à regarder la manœuvre de l’aérostat.

Ilmiden, le plus jeune, comprit vite le maniement des deux cordes qui déplaçaient le centre de gravité du système et eût pu rendre assez vite de réels services à bord.

Les Touaregs ont en effet une grande facilité d’assimilation, et on serait loin de la vérité si on les prenait uniquement pour des pillards préoccupés de meurtres et de rapines.

Ils sont passés maîtres dans une science, l’astronomie. Voyageant presque toujours la nuit pour éviter la chaleur du jour, ils connaissent parfaitement la forme et le mouvement des constellations.

Ils aiment aussi la poésie et la musique, et leur plus grand régal est de venir, parés de leurs plus beaux habits, aux fêtes que donnent les « châtelaines » touaregs et qui rappellent d’un peu loin les « cours d’amour » du Moyen Age.

Car ce sont les femmes qui, chez ce peuple remarquable, charment les guerriers par leur talent musical et leurs poétiques improvisations : quand les Touaregs sont vaincus, la dernière insulte qu’on leur crie est qu’ils ne seront pas accueillis par les chants de leurs femmes[1].

Ce sont elles encore qui enseignent la langue et la grammaire et qui écrivent sur le papyrus en caractères téfinagh peu différents de ceux qui se trouvent sur la pierre carthaginoise de Thugga.

Mais hommes et femmes dédaignent ce que nous appelons le progrès et restent confinés dans leurs traditions séculaires.

  1. Duveyrier.