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— Mais, objecta Guy…

— Faites vite, monsieur, reprit l’officier avec plus de force ; débarrassez-le d’abord de cette échelle qui le rend fou… non pas ainsi… vous perdriez les étrivières, et Bon-Garçon fait des sauts qui vous désarçonneraient si vous n’aviez plus d’étriers.

— Partez, partez vite, ajouta-t-il après un instant de silence pendant lequel il respira avec effort. En dix-huit heures il vous mènera à Laghouat ; orientez-vous bien : c’est là-bas derrière la montagne arrondie… Bon-Garçon est une fameuse bête… faites-la reposer à moitié route.

Il s’interrompit de nouveau.

— A Laghouat, vous direz au lieutenant Devouges que son ami Frotman, est resté là… avec les autres… vous lui raconterez tout…

Adieu, mon pauvre cheval, dit-il, cette fois presque bas… que c’est donc dur de se quitter !

Il tendait péniblement le bras pour caresser une dernière fois l’encolure du brave animal maintenant calmé et de nouveau penché vers lui.

Une larme roula sur sa joue.

Il se détourna, regarda son revolver et l’assujettit dans sa main.

Guy voulut parler, mais les larmes lui montaient à la gorge, il ne le put.

Et comme machinalement il levait les yeux, un cri lui échappa.

Au-dessus de lui l’aérostat repassait, cette fois filant vers le Sud.

Alors une vision l’emplit tout entier.

Le misérable, qui était maintenant le maître du Tzar, le conduisait vers l’ennemi… il allait le livrer certainement ; il n’avait commis tous ces assassinats que pour en arriver là…

Et ce crime, cette infamie resteraient sans vengeance !

Sans vengeance !

Ce mot lui fut un coup de fouet. Il s’enleva vigoureusement sur les poignets, se mit en selle d’un bond.

Puis il se retourna, les Touaregs avaient grandi sur leurs montures élancées. Quelques-uns déjà de leurs yeux