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— J’ai vu les premières carabines Giffard, reprit Saladin, ce sont elles évidemment qui ont servi de point de départ à ces nouvelles armes ; mais la goutte d’acide carbonique liquide qui chassait la balle en revenant à l’état gazeux ne pouvait lui donner qu’une vitesse de 120 à 150 mètres, ce qui était insuffisant. J’ai entendu dire qu’on avait réalisé dans ce nouveau fusil d’importants progrès. Comment y est-on arrivé ?

— Par deux moyens, répondit l’ingénieur : d’abord par l’emploi d’un autre gaz d’une puissance extraordinaire qui n’est pas liquéfié, lui, mais « solidifié » et comprimé par-dessus le marché ; en second lieu par l’obligation imposée à ce gaz d’agir sur la balle jusqu’à sa sortie du canon.

— Et ce gaz ?

— C’est l’hydrogène, et ce tube de 25 centimètres de long que vous voyez sous le canon en contient de quoi tirer trois mille coups.

— Trois mille coups ! fit l’interprète abasourdi.

— Oui, trois mille coups, sans encrassement, sans déperdition de gaz, sans enrayage d’aucune sorte. Le mécanisme en est des plus simples. Tel que vous le voyez en ce moment, ce fusil est inoffensif comme un bâton. Voulez-vous vous en servir, vous soulevez près de la culasse cette plaquette de cuivre et poussez ce bouton ; l’arme est prête pour le tir. Il ne vous reste plus qu’à engager dans l’encastrement que vous voyez ici les paquets de balles qui, automatiquement, viendront prendre leur place dans le canon. Le mouvement est rapide, jugez-en !

Et l’ingénieur, prenant des mains de son neveu un rouleau de papier rouge de forme prismatique, l’introduisit dans une échancrure pratiquée à la partie supérieure du canon.

— Voilà, fit-il, qui contient 32 balles. Un soldat exercé les tire en deux tiers de minute environ ; le seul mouvement à exécuter consiste à appuyer sur la détente.

— Mais il faut armer auparavant ?

— Non pas, la détente est à double bossette. En amenant la première au contact on déclanche le ressort qui pousse la balle à sa place ; en achevant de fermer le doigt on ouvre une issue à l’hydrogène qui fait partir le coup.