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Ce n’était plus, en effet, l’atmosphère lumineuse et profonde de la nuit précédente. Le ballon semblait flotter dans une huée, dans un nuage de poudre impalpable. On devinait le soleil roulant à l’horizon, on ne le distinguait plus. Tout était blanc, l’air, la nacelle couverte d’un givre pulvérulent ; les cordages hérissés de cristaux transparents ; la tente elle-même, sous laquelle reposaient les deux voyageuses, était comme saupoudrée de grésil.

— J’ai dû jeter exactement 126 kilos de lest pour nous maintenir à 600 mètres, dit encore l’Américain, et malgré cela nous baissons toujours.

— Bien d’étonnant, avec ce dépôt de givre…

— Nous n’avons toujours pas à craindre de descendre sur la mer libre… avec une température pareille… Voyez, nous voici à —30°.

— C’est vrai, mais il peut se trouver un autre Spitzberg d’ici au Pôle, ce n’est pas la place qui manque, et, avec cette brume qui nous masque tout, nous irions nous écraser sur un glacier, sans nous en être douté deux minutes auparavant.

— Songeriez-vous à ralentir ?

Georges Durtal réfléchit un instant.

— Dans une expédition comme celle-là, sir James, il faut faire la part de l’aléa… Que je monte à mille mètres en jetant beaucoup de lest, je puis trouver devant moi des hauteurs de quinze cents mètres comme le pic Horn, et je n’aurai réussi qu’à sacrifier du lest en pure perte.

— C’est très juste.