Page:Driant-Un dirigeable au pôle Nord,1910.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déjà, qu’il plaçait la France au tout premier rang dans le domaine aérostatique.

Pour qui connaissait d’ailleurs le farouche nationalisme du compatriote de Monroë, son exclamation comportait autre chose qu’un hommage à la patrie du Patrie : elle contenait surtout un regret que l’Amérique, cette terre de toutes les audaces, ce pays d’Edison, de Graham Bell et de tant d’autres génies de l’invention, se fût laissé devancer.

Quant à mistress Elliot, elle avait regardé sans mot dire le paysage s’agrandir et les falaises s’écraser sous la nacelle. Elle avait longuement fixé l’Etoile-Polaire, devenue coquille de noix, et ses lèvres, avaient aussitôt remué pour une instinctive prière. Puis, tirant sa Bible, elle s’était plongée dans la lecture des psaumes de la Pénitence.

Le plus loquace des passagers était Bob Midy, de nouveau recouvert de sa pelure d’homme des bois. Assis à l’avant de la nacelle, les jambes pendant au dehors, sans souci du vertige, il étendait le bras à tout moment, en accompagnant ce geste de courtes exclamations émerveillées.

Le “temps était magnifique ; les brumes des jours précédents, dissipées, fondues ; les lointains, reculés, élargis, étaient pleins de transparences, et la mer, calme comme un lac, scintillait au large.

Quant au vent, il était décidément tombé, car, équilibré à 800 mètres, le Patrie plana un instant au-dessus du fjord qu’il venait de quitter, sans autre dérive qu’un léger glissement vers le sud-ouest.