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joyeux, et en vérité c’est bien là que nous allons… Donc, nous partons.

— À vos ordres, Christiane !

Et ce disant, il lança au dehors le sac de lest.

— Let go !… jeta-t-elle d’une voix ferme.

Ce n’était plus la jeune fille affolée, tremblante, qui, emportée dans le vent d’orage passant au- dessus de la maison paternelle, se sentait le cœur chaviré à la pensée du foyer qui fuyait à tire- d’aile.

En quelques heures, une âme d’héroïne s’était éveillée en elle. Le but grandiose apparu soudain l’avait transportée ; elle se sentait capable de tous les dévouements et de toutes les énergies, et elle écoutait avec ravissement chanter au fond d’elle-même l’hymne d’amour dont elle commençait à bégayer les troublantes paroles.

Elle se rapproche encore ; leur émotion était telle, qu’ils ne remarquèrent point le geste de l’Américain : dans le rayonnement de lumière du projecteur, qui suivait la nacelle dans sa rapide ascension, il agitait un drapeau étoilé, le drapeau américain, qu’il avait enlevé de la corne de l’Etoile-Polaire et qu’il montrait à son équipage, comme pour lui dire :

« C’est pour sa gloire que nous partons ! »

Il fut compris, car un hurrah lointain lui répondit. Satisfait, il roula le pavillon autour de sa hampe et le déposa au fond de la nacelle.

Mais un geste du savant, ponctué d’un cri d’admi-