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en officier, vous ne raisonnez pas en Français, fit-elle avec une vivacité qui se reflétait dans son regard plein de clartés… Écoutez : je ne sais si c’est la voix d’aïeux très lointains qui, en ce moment, bourdonne dans mon cerveau et me souffle des pensées qui étaient si loin de moi, il y a quelques heures… C’est possible. Je crois à la transmission de la volonté des morts, parce qu’en infusant leur sang à leurs descendants, ils leur ont passé leurs plus pures aspirations et comme des parcelles d’idéal qui n’attendent qu’une occasion pour entrer en vibration… Eh bien, à cette heure, tout vibre en moi, et je me sens remué au plus profond de moi-même.

Elle se tut, et, lentement, comme si elle écoutait des voix mystérieuses :

— Tenez, fit-elle, j’ai entendu souvent raconter par mes parents qu’un des nôtres fut, aux Indes, un compagnon d’armes de Dupleix et de sa femme Jeanne de Castro, la Begum des légendes hindoues. Avec ce grand Français, il lutta contre les rajahs et les Anglais et fut tué au siège de Pondichéry. C’était une âme aventureuse et ses cendres reposent quelque part, sur un lointain rivage. Il ne se serait pas embarrassé d’une consigne étroite, lui. Il aurait vu, au-dessus d’elle, le renom de la France et du roi. Eh bien, qui sait si ce n’est pas lui, cet aïeul mort pour une noble cause, qui réveille en moi des sentiments que je ne me connaissais pas ? Qui sait si ce n’est pas lui qui vous dit par ma voix : « L’heure sonne