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— Tenez… la-bas… N’est-ce pas une terre qu’on aperçoit ?

L’officier braque sa jumelle à l’avant. Une ligne noirâtre, d’aspect uniforme, barrait l’horizon. Déjà sir James l’avait aperçue et, après un instant d’observation, déclara :

— Ceci, c’est la mer libre, commandant… Si nous voulons nous arrêter, il n’est que temps !…

Tous les regards se portèrent vers Georges Durtal.

Lui seul pouvait savoir, pouvait dire si le Patrie était en état de se soutenir assez longtemps pour franchir les centaines de kilomètres de mer qui séparent la banquise du continent asiatique.

Malgré son énergie, l’officier eut un moment d’hésitation.

Il regarda la corde de déchirure qu’il tenait à la main et eut besoin de tendre tous les ressorts de sa volonté pour s’obliger à réfléchir.

N’était-ce pas l’arrêt de mort pour tous qu’il allait prononcer, en engageant l’aréostat sur l’Océan libre de glaces ? La chute en pleine mer, c’était l’engloutissement inévitable…

Mais d’un autre côté, vider le ballon, s’arrêter sur la banquise, au bord même de la mer libre, n’était-ce pas se condamner a une mort lente, inévitable elle aussi, sans espoir de gagner aucune terre ?…

N’était-il pas d’ailleurs à craindre que, dans les mouvements de désagrégation qui se produisaient incessamment sur les bords de cette banquise, ils