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devons leur réserver l’honneur de planter nos pavillons à un mille et demi d’ici.

— Plus qu’un mille et demi !… En route, alors ! fit la jeune fille.

Vive et légère, elle reprit sa place à l’arrière du traîneau, et invita l’Américaine à faire de même.

— James boite un peu, dit cette dernière, je vais marcher un peu à ses côtés… D’ailleurs, j’aurai moins froid.

La marche fut reprise. Elle était à la fois étrange et touchante, cette course au Pôle à laquelle participaient deux femmes, surgissant pour la première fois dans l’immensité des solitudes arctiques.

Les progrès de l’aérostation avaient permis cet événement unique dans l’histoire des explorations terrestres. Portée sur les ailes du vent, la faiblesse féminine avait sa part dans la découverte du point le plus inaccessible de la planète.

S’appuyant sur sa femme, sir Elliot s’était remis en marche. Instinctivement, il se retournait de temps en temps, comme s’il eût senti derrière lui le souffle bruyant d’un autre ours.

Serrant nerveusement son fusil, Georges Durtal marchait en tête. Il s’était remis à compter ses pas, s’interrompant fréquemment pour supplier la jeune fille d’aller moins vite.

Car Christiane lâchait parfois la bride au moteur et son traîneau disparaissait alors derrière un pli de la banquise ; parfois elle revenait dans un virage savant, et parfois s’arrêtait, attendant ses compagnons,