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femme, et d’une noblesse d’âme qu’elle avait du puiser dans un lointain passé.

Puisque son destin avait fait de lui l’élu de cette créature d’élite, il ne devait plus avoir d’autre pensée que la sienne.

Cette pensée, il la sentait planer dans l’air glacé, dans la brume arctique, suggestionnante, impérieuse, lui montrant à courte distance le but qu’un autre allait toucher.

Il accéléra sa course.

Soudain, il lui sembla entendre un cri… Était-ce devant ou derrière lui ?… Dans le silence profond que ne troublait même point le bruit feutré de ses pas sur la neige, il ne pouvait se tromper : il avait entendu comme un appel.

Venait-il du Patrie ? Était-ce la voix de Christiane ? Devait-il retourner en arrière ?

Il s’arrêta, les tempes battantes, serrant nerveusement le fusil dans lequel il avait, tout en courant, glissé un chargeur de trois cartouches.

Mais il réfléchit. Il était déjà trop loin du Patrie pour qu’un cri pût lui parvenir et, le dos baissé, pour ne pas perdre de vue les traces directrices, Georges Durtal se remit à courir vers le Pôle.

Un second cri plus distinct lui parvint presque aussitôt.

Cette fois, aucun doute n’était possible : il venait du Nord et, seul, l’Américain avait pu le pousser.

Était-ce le cri de triomphe que jetait le Yankee en arrivant au point calculé ?