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irrésistiblement, car c’était l’immensité solitaire que nul explorateur n’avait connue.

Dans les expéditions poussées sur les continents, aussi bien dans les déserts africains que sur les hauts plateaux du Thibet ou les forêts vierges du Haut-Congo, les hardis pionniers qui cherchaient de nouvelles terres savaient qu’ils étaient les premiers civilisés à y pénétrer ; mais ils savaient aussi que des autochtones, des êtres humains, vivaient, ou avaient vécu, dans ces régions arrachées à l’inconnu géographique.

Pour les passagers du Patrie, cette conception d’indigènes polaires était impossible. Aucun homme n’était parvenu là avant eux. Aucun homme n’y pouvait vivre et demeurer.

Eux partis, l’axe du monde poursuivrait son éternelle rotation dans sa solitude reconquise.

Ils étaient les premiers à fouler l’immense glacier, à découvrir la mer polaire, à lui donner un nom, à inscrire ce nom sur les cartes.

Ils étaient les premiers à faire connaître aux hommes qu’aucune terre ne jalonnait ce point, seul immobile dans le mouvement de rotation diurne, et que la calotte terrestre était constituée par un océan.

Ils étaient les premiers… Mais pourquoi n’était-il pas le premier, lui Français ?…

Maintenant que la puissante suggestion de Christiane avait détourné de son esprit l’idée fixe du retour impossible, un regret de plus en plus cuisant