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La silhouette du ballon n’était plus visible ; la plaine s’étendait, immense, monotone, sans un glaçon, comme un lac figé. Au lieu des amoncellements de glaces constatés par les explorateurs qui avaient tenté l’assaut du Pôle avec des chiens et qui s’étaient heurtés à leur chaos impénétrable, il n’y avait là qu’une mer gelée, sans vagues et sans rides.

Il semblait que la barrière de « hummocks » et de « toross », devant laquelle avaient dû s’arrêter les kayaks de Nansen, les traîneaux de Gagni et de Peary, faisait place, aux alentours du Pôle, à un véritable steppe de glace.

Sans doute, cette glace recouvrait des abîmes, car les sondages de Nansen ont révélé dans la mer Polaire des profondeurs de 3.000 mètres et plus.

La neige était de fraîche date. Après de courtes recherches, Georges Durtal retrouva les traces de l’Américain et, ralentissant son allure pour ne pas les perdre de nouveau, il se mit à compter ses pas comme il l’avait fait depuis le départ.

Il savait que 125 d’entre eux valaient 400 mètres et avait calculé mentalement que pour parcourir trois mille et quatre cents yards il devait faire un peu plus de 7.000 pas.

Quand il eut compté jusqu’à 2.000, il s’arrêta un instant.

Son horizon se limitait à une centaine de mètres, mais jamais il n’avait eu à ce point le sentiment de l’immensité. Elle l’enveloppait, elle s’imposait a lui