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ment installé sur un lit de foin que mon nouvel ami Pépin organisa lui-même, je laissai le sommeil envahir mes membres et mon cerveau.

Mes idées s’emmêlèrent, devinrent confuses ; je me souviens pourtant que, tout en m’assoupissant, je ne pouvais m’empêcher de trouver extraordinaires la bonne humeur et la confiance que tous, chefs ou soldats, manifestaient.

Ils étaient pleins d’ardeur et d’entrain, et cela remit en mon cœur un peu d’espérance.

L’angoisse que j’avais ressentie au geste enveloppant du vieux Maréchal de Moltke, le frisson qui m’avait secoué en l’entendant annoncer de sa voix calme que « Bazeilles serait pris le lendemain », tout cela s’estompa, et, dans le noir de mon demi-rêve, j’évoquai la belle figure d’une Victoire ailée, qui arrivait à tire-d’ailes planer à nouveau sur nos drapeaux ; je songeai à toi, à mon père, à mon cousin Pierre qui, lui aussi, devait sans doute, à cette même heure, rêver d’une chevauchée épique et de gloire reconquise… Puis tout disparut !… Je dormais !

Et c’est dans un sommeil doux, réparateur, que se termina la première partie de mes aventures de guerre.

La deuxième allait s’ouvrir le lendemain, 1er septembre, en pleine fournaise ! J’allais, pour mon coup d’essai, assister au combat le plus furieux, le plus formidable, le plus effroyable que l’imagination d’un soldat pût rêver ; et ce sont ces souvenirs qui, même aujourd’hui, m’emplissent le crâne d’un bruit de tempête ; ce sont ces souvenirs de rage exaspérée, que je vais, pour toi, jeter sur ces feuillets, chère maman !