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Un peu agacé de son insistance, je lui répondis d’un ton sec.

— Je suis fils d’un colonel d’artillerie français, tué à Saint-Privat, et je rejoins ma famille.

— Aoh ! Vô venez de Metz ? répliqua-t-il sans seulement remarquer l’angoisse de ma voix.

— Sans doute !

— Très bienne ! Very well ! Vô donnez à moâ beaucoup dé renseignements pour my Jornals !

— Marchons toujours ! répondis-je évasivement. Ce n’est pas le moment. Nous verrons cela quand nous serons arrivés.

À cet instant, nous contournions un petit bouquet de bois, et, bruyamment, un cri retentit à vingt mètres de nous.

— Wer da ![1]

En même temps, un bruit sec d’arme remuée nous arriva !

Du coup, nous nous étions arrêtés net ; et j’eus un frisson. Allais-je donc échouer au port ? Allais-je donc être arrêté par l’ennemi juste au moment, où, là-bas, j’apercevais la Meuse et le groupe confus des maisons de Bazeilles ?

Oh ! mère, à cet instant, j’ai senti mes tempes et mon cœur battre la générale ; surtout quand je vis un groupe sombre de soldats bavarois, casque à chenille en tête, s’avancer baïonnettes croisées pour nous reconnaître.

Nous étions tombés en plein dans un poste d’examen qui gardait le flanc gauche de la division bavaroise !

Le unter-offizier qui commandait, nous questionna en commençant par l’Anglais.

Celui-ci le prit de très haut, il sortit des papiers et se mit à gesticuler en arguant de sa qualité de « Sujet de sa Gracious Majesty »…

Quant à moi, au moment où je m’apprêtais à répondre, mon compagnon momentané intervint, et, à mon grand étonnement déclara :

— Cette jeune homme il était avec moâ, il était ma secrétaire !

Tu juges de mon étonnement, ma chère mère, en me voyant inopinément transformé en journaliste anglais !

  1. Qui vive ?