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cantis, et soldant ma dépense, je m’en allai. J’étais, tu le comprends, très perplexe.

Cette conversation que je venais de surprendre, déroutait mes idées et changeait mon plan.

Une fois sur la route, j’entrai dans un petit bois, et, sûr d’être seul, je dépliai ma carte ; alors je cherchai à me rendre compte du motif de cette pointe du Maréchal de Mac-Mahon vers le nord.


Infanterie bavaroise en 1870.

Une seule hypothèse plausible se dégagea de mes réflexions.

Sans doute, pensai-je, il y a entente entre les deux Maréchaux. Si Mac-Mahon prend cette direction, c’est que Bazaine s’est dégagé de Metz, et tous deux vont se ressouder et tomber sur le flanc droit arrière des Prussiens.

Mais, si peu tacticien que je sois encore, j’ai souvent entendu causer mon père et mon oncle ; par cela même, je me rends compte, mieux sans doute qu’un autre enfant de mon âge, de ce qu’est une opération de guerre : aussi l’examen de la carte me démontra de suite les immenses dangers d’un pareil plan.

En effet, pour peu que les Prussiens eussent vent de la chose, ils n’avaient qu’à faire un à-droite rapide, pour s’appuyer à l’Argonne et à la Meuse, et se trouver ainsi face à nos armées qui, placées dans une sorte de boyau, avec la frontière belge à dos, se trouveraient dans une situation extrêmement périlleuse, très « en l’air », et ne posséderaient plus qu’une seule voie de retraite sur le nord, en cas de défaite.

Alors je résolus de continuer mon mouvement personnel vers Châlons.

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