— Ils se sont repliés sans doute sur Paris.
— Non pas ! il paraît — mais le quartier général n’en est pas sûr — qu’ils ont obliqué vers le nord. Je vous avoue que cela m’étonne…
— Pour nous tourner alors, et porter secours à Metz !
— Est-ce qu’on sait ? Ce mouvement est tout à fait illogique ; mais ce qu’il y a de certain, c’est que notre cavalerie, dans son service d’exploration, a saisi à la poste un journal qui annonçait cette marche comme probable[1] ; et c’est évidemment pour cela qu’on nous fait changer de front et piquer franchement vers le nord.
— Sont-ils bêtes ! s’écria en riant le sous-lieutenant, de tolérer ainsi que leurs journalistes causent de la sorte à tort et à travers. Vantardise !… Vanité !… Ils vont voir où ça va les mener.
— C’est juste ! déclara le capitaine. En guerre, voyez-vous, lieutenant Von Hornskopf, il y a un principe capital à observer : c’est le silence ! Seul, le commandement doit renseigner, quand et comme il lui convient, l’opinion publique. Ah ! ce n’est pas notre vieux Feld-Maréchal de Moltke qui permettrait pareille chose… À sa santé et à la nôtre ! messieurs ! Et à la continuation de nos succès !
— Oh ! quant à cela, mon capitaine, nous pouvons être tranquilles… Nous boirons du champagne à Paris !… Vive la vieille Allemagne ! et par terre la France !
Crois-tu, ma bonne et chère maman, qu’il me fallait de la volonté,… du courage,… oui, du courage ! pour ne pas broncher !
Mais je me rappelais l’exemple de mon grand-père !
Je le voyais, tout enfant, petit Jean Tapin de la neuvième, déguisé en petit paysan, déroutant par son sang-froid la patrouille des hussards prussiens[2], lorsqu’il fut, après la Croix-au-Bois, chargé d’une mission pour Dumouriez ; et je me disais : « Fais comme lui, sois calme !… »
Ah ! ce n’est pas toujours commode ! et dans des circonstances pareilles on dépense peut-être plus d’énergie que dans la lutte directe, en plein feu !…
Bref, mes uhlans partis, l’auberge fut de nouveau envahie par les mer-