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Trois mois après ce douloureux pèlerinage, qui s’était terminé au cimetière de Saint-Cyr, où les restes du colonel Cardignac avaient été déposés auprès de ceux du chef de la famille, le mariage de Georges Cardignac avec Lucie Ramblot était célébré à l’église Saint-Louis de Versailles.

Les témoins de Georges étaient : son ancien capitaine de Saint-Cyr, le colonel Manitrez, et son cousin Pierre Bertigny qui avait, pour ce grand jour, repris l’uniforme de cuirassier. Ceux de la jeune fille étaient M. d’Anthonay et Paul Cousturier. Une foule sympathique remplissait l’église, car l’histoire de Georges s’était vite répandue, et il avait si fière mine, avec sa croix et sa médaille militaire, sur son uniforme de marsouin, sa fine moustache, sa physionomie énergique et sa triomphante jeunesse, qu’il semblait personnifier à lui seul toute cette famille de vaillants d’où il sortait.

Quant à Lucie Ramblot, la joie qui l’inondait donnait à son visage un charme inexprimable : on racontait dans la foule que la vaillante enfant avait accompagné son père jusqu’au fond du Soudan, que tous deux avaient failli y périr, celui-ci, prisonnier des noirs, celle-là, terrassée par la fièvre, et chacun convenait qu’il y avait parfois de la justice sur terre, puisque la délicieuse jeune fille, au lieu de trouver la mort dans les solitudes africaines, en avait rapporté le bonheur de toute sa vie.

Aux premiers rangs des assistants, bon nombre d’officiers de la promotion de Georges et du 1er  régiment d’infanterie de marine étaient venus s’associer au bonheur de leur camarade ; il ne manquait parmi eux que le capitaine Cassaigne, parti en mission au plus profond du Soudan ; mais Pépin, lui, était là, en grande tenue d’adjudant médaillé, et on se montrait, à côté de lui, un enfant de troupe, portant la vareuse de marsouin, et dont les gros yeux blancs roulaient étonnés, au milieu d’une face du noir le plus intense. C’était Baba qui, pour la circonstance, avait consenti à mettre des godillots et des guêtres.

Quant à Mohiloff, dont la large figure impassible ne reflétait que rarement les émotions intérieures, il avait arboré pour ce jour-là un visage épanoui ; car, non seulement il était heureux du bonheur de son jeune maître ; mais encore il avait vu arriver, le matin même, à Versailles, son ancien ami d’Afrique, le brave et serviable Cuir-de-Russie, qui, libéré depuis deux ans, avait lu dans les journaux la nouvelle du mariage de son lieutenant.

Enfin le colonel Mangin, retraité depuis quelques années, avait tenu à