Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/455

Cette page a été validée par deux contributeurs.

La veuve du colonel inclina légèrement la tête derrière son épais voile noir et murmura :

— Merci, monsieur.

— Monsieur l’aumônier, dit encore l’officier allemand, vous trouverez devant l’église de Saint-Privat le personnel qui vous est nécessaire ; il a ordre de se conformer à vos indications, et je vous serais reconnaissant de ne lui offrir aucune rémunération.

Puis, saluant de nouveau, tous deux s’éloignèrent, prirent le trot et disparurent dans la direction d’Amanvilliers.

Quoique douloureusement remué, Georges ne put s’empêcher de reconnaître la parfaite correction de cette attitude, et cette correction vous apprend, mes enfants, qu’il existe entre officiers d’armées différentes, quelquefois même d’armées ennemies, des traditions de courtoisie qui, de tout temps, ont été religieusement observées.

Quelques instants après, tous trois entraient dans l’église de Saint-Privat. Nulle trace de la lutte ancienne n’y apparaissait : le temps avait guéri les blessures de la pierre plus aisément qu’il n’avait cicatrisé la douleur des hommes. Prenant sa mère par le bras, Georges la conduisit devant le chœur, à l’endroit où il avait pleuré et prié quinze ans auparavant.

Elle comprit et s’agenouilla près de lui.

— Madame, dit l’abbé d’Ormesson à voix basse au bout de quelques instants,… veuillez nous attendre ici.

— Je veux être présente, supplia-t-elle.

— Je reviendrai vous prendre, le moment venu.

Sur un signe, Georges suivit le prêtre.

— Je n’ai pas voulu qu’il fût enterré dans le cimetière, dit ce dernier, car il eût été exhumé au bout d’un certain nombre d’années et toute recherche fut devenue impossible. Il est à gauche de la route, à la sortie du village, du côté de Montois.

— Et vous êtes sûr de retrouver l’endroit ?

— Comme si c’était hier…

Deux fossoyeurs qui attendaient avec leurs outils, et un fonctionnaire à casquette, portant la cocarde allemande, saluèrent profondément et s’empressèrent de suivre.

Arrivé à la dernière maison, le missionnaire franchit le fossé de la route,