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Pour toute réponse, la jeune fille se jeta dans les bras de Mme Cardignac, et, l’âme inondée d’une joie très douce, les yeux troubles, Georges Cardignac passa au doigt de Lucie Ramblot l’anneau des fiançailles.


Le 14 août, en rentrant à Versailles, Georges Cardignac trouva une lettre de l’abbé d’Ormesson :

« Venez, disait le missionnaire : j’ai été assez heureux pour réussir plus tôt que je ne l’espérais. Je vous attendrai à la cérémonie funèbre de Mars-la-Tour, le 16. »

Mars-la-Tour ! en 1877, à sa sortie de Saint-Cyr, il l’avait fait, ce pèlerinage sacré, et il ne pouvait reporter sa pensée vers ce souvenir d’une intensité de vision extraordinaire sans se sentir remué jusqu’au fond de l’âme.

Lorsqu’il montra à sa mère la dépêche de l’aumônier du Bayard, elle pâlit ; mais, sans hésitation :

— Je t’accompagne, dit-elle.

— Oh ! mère !

Il voulut lui objecter les redoutables émotions de ce voyage ; c’était un calvaire pour elle : ces recherches, cette exhumation, il lui faudrait des forces surhumaines pour supporter tout cela !

Mais elle secoua tristement la tête : elle devait être là ; et soudain, dans la mémoire de Georges, surgit la vision du tableau de Bettanier, celui qu’il avait si longuement contemplé jadis à Saint-Cyr, avec Andrit. Sur le tableau, elle était là, en longs voiles noirs, la veuve de l’officier français !

Il ne dit plus rien et télégraphia à Andrit qui, on s’en souvient, avait quitté le Tonkin quelques semaines avant lui, de se trouver, le 16, à Mars-la-Tour.

Le soir même, il recevait la réponse suivante :

« J’avais intention faire ce pèlerinage. Combien heureux t’y trouver ! »

Le surlendemain, de bonne heure, Mme Cardignac en grand deuil et Georges en uniforme, avec, sur la poitrine et pour la première fois, la croix de la Légion d’honneur, descendirent du train de Verdun à la petite station de Mars-la-Tour. Le jeune homme se mit aussitôt à la recherche de l’abbé