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rythmique de balancier d’horloge, rien qu’à considérer ces paquetages uniformes où pas un boucleteau ne dépassait, on sentait qu’il y avait là une force ! Force de brute,… soit ! Mais il n’y avait pas à dire ! Si ce n’était là qu’une machine, c’était en tous cas une machine formidablement montée, docile, coordonnée… et, disons-le,… merveilleuse d’organisation, aux mains des chefs qui la mettaient en mouvement et la dirigeaient.

Et cette constatation faisait pleurer l’enfant !…

Quand il arriva chez M. Ramblot, il trouva Georges entouré de toute la famille ; et au chevet du blessé, sa mère, sa pauvre mère, pleurant de joie ainsi que Margarita et aussi Mohiloff, qu’on était allé chercher en hâte au Champ-Moron. Oh ! qu’elles étaient douces, mes enfants, les larmes de la pauvre maman !

Enfin !… elle le savait donc vivant, son Georges !… Il était blessé… soit ! mais il vivait !… Et le docteur avait été, ce matin-là, plus rassurant encore que la veille ! Je dois même vous dire à l’oreille que la secrète pensée de Mme Cardignac était une pensée de joie. Oui ! elle éprouvait une joie immense à se dire : « Blessé ! Mon Georges est blessé !… Pas dangereusement,… mais quand même, cela l’immobilise ! me le garde contre sa bravoure elle-même !… Oh ! que je suis heureuse !… La guerre, la maudite guerre se terminera sans qu’il puisse repartir ! »

Elle se trompait, mes enfants, comme vous le verrez par la suite ; mais, pour le moment, c’était bien là l’intime pensée de Mme Cardignac, et je suis persuadé qu’il y a bien peu de mamans au monde qui n’eussent pensé comme elle.

Du reste, Georges allait mieux ! Cela sautait aux yeux. S’il avait un peu la fièvre, cela ne l’empêchait pas de causer et de raconter comment et pourquoi il se trouvait à Dijon.

Je ne vous étonnerai point si je vous dis que Paul buvait ses paroles et s’exaltait au récit des péripéties dramatiques qu’avait traversées son jeune camarade.

Et même, à dater de ce jour, Paul ne se livra plus avec autant d’ardeur à son humeur vagabonde.

Il circulait bien quand même dans Dijon : histoire de voir par le menu tous les détails de l’occupation prussienne ; mais je dois dire qu’il passait la plus grande partie de ses journées à causer avec Georges, et qu’il lui faisait dire et redire ses aventures depuis Saint-Privat.