Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/432

Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHAPITRE XIV

épilogue


Lorsque le Bayard passa par le travers de la Sicile, c’était un dimanche : la messe fut célébrée solennellement à bord, comme il est d’usage dans la marine où le contact permanent du danger et la vision toujours debout de la mort, ont conservé intact, au milieu du scepticisme moderne, le culte de ce Dieu des Armées qui est aussi le Dieu des Tempêtes.

L’autel avait été dressé dans la batterie, près des canons dont les aciers polis reflétaient la lumière des cierges, et c’était un décor imposant à cet autel très simple, que ces pièces énormes, messagères de mort, tendant par les sabords, vers le lointain horizon de la mer, leurs volées étincelantes.

L’équipage tout entier était massé debout dans la batterie, et une garde en armes, commandée par un aspirant, rangée à droite et à gauche de l’autel.

L’aumônier parut : c’était un homme jeune encore, mais dont la maladie avait courbé la haute taille et dont les souffrances avaient blanchi la longue barbe de missionnaire.

Depuis le départ de Suez, Georges Cardignac l’avait entrevu se promenant, son bréviaire à la main, sur le gaillard d’arrière ; car l’aumônier, à bord, est à la table du commandant, c’est-à-dire un peu isolé des carrés d’officiers, où les conversations bruyantes et libres détonneraient avec son caractère : mais ce jour-là, au moment où, les bras étendus et tourné vers